Quel statut pour les réfugiés de l’environnement ? Le cas des Etats insulaires


Aujourd’hui j’ai présenté un bilan sur ce thème à mes étudiants et, faisant un tour d’horizon de la presse, je constate que la question se pose réellement de façon de plus en plus aigüe, au vu des derniers articles publiés sur l’élévation du niveau des océans et le lien avec l’avenir des populations insulaires dont voici 2 références :

Le Point, jeudi 13 Novembre 2008 « Archipel paradisiaque cherche terre d’accueil pour population en danger »

AFP, 10 Novembre 2008 « Montée des océans : les Maldives vont économiser pour acheter des terres ailleurs »

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Avant et après le tsunami, Male, Maldives
Données IRS-P6 LISS-IV MX, du 09/02/04,
IRS 1D PAN, 03/01/05
Agence nationale de télédetection, gouvernement de l’Inde.

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Source : Charte Internationale : espace et catastrophes majeures

Premier point et non des moindres, l’expression « réfugiés de l’environnement » n’existe pas juridiquement au niveau international.  Elle a été créée par les organisations internationales et largement relayée par les médias.

En effet, le terme de « réfugié » procède d’une définition précise en droit international puisqu’il a été défini par la Convention de Genève (28 juillet 1951) : est considéré comme « réfugié » toute personne

« Qui, par suite d’événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. » (consulter l’intégralité de la Convention).

Par conséquent, il est évident que cette définition ne peut en aucun cas s’appliquer à des personnes dont la vie est en danger en raison de phénomènes « naturels » ou dûs au changement climatique. Il devient donc impératif et urgent de mettre en place un texte de loi concernant cette question fondamentale, car il est impossible et inadmissible d’ignorer les « réfugiés climatiques » pour la seule raison qu’ils ne sont pas reconnus officiellement jusqu’à ce jour.

Actuellement, il n’existe aucun consensus sur l’éventualité d’un élargissement du statut de réfugié, dans la mesure où cet élargissement serait lourd de conséquences pour les pays industrialisés, mais aussi pour certains pays du Sud : au plan humain, cela signifierait un afflux massif de migrants qui demanderait un effort colossal financièrement ; une augmentation possible des problèmes d’emploi et du nombre de chômeurs et de très grandes difficultés de financement des systèmes de protection sociale dans les pays occidentaux susceptibles d’accueillir ces réfugiés ; sans compter évidemment une crise urbaine.

Des organisations internationales comme l’UNHCR, des ONG et diverses associations plaident pour la cause et la reconnaissance juridique internationale de ces futurs (en soulignant que la migration a déjà commencé) « réfugiés de l’environnement » non reconnus par les instances juridiques internationales.

La reconnaissance légale des « réfugiés de l’environnement » pourrait permettre une assistance et même, dans certains cas, une compensation financière pour les dommages subis par les populations, selon certaines ONG.

Les Etats insulaires sont les plus menacés et ces pays se sont déjà regroupés afin de trouver des solutions possibles aux futures catastrophes qui pourraient les toucher. L’Alliance of small island states (AOSIS) en est un exemple : la migration de certaines des populations insulaires a déjà commencé, notamment en raison  des problèmes posés par le processus d’élévation du niveau des océans.

Les Sundarbans indiens, soit une cinquantaine d’îles, font partie du patrimoine mondial de l’humanité. Mais les changements climatiques forcent les habitants à l’exil…

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A Sagar, les habitants accueillent de moins en moins bien les réfugiés des autres îles.
Photo © Ana Gabriela Rojas

Le collectif Argos regroupe des journalistes indépendants – rédacteurs et photographes – engagés dans une démarche documentaire autour des mutations ou des enjeux sociaux et environnementaux. Depuis quatre ans, huit d’entre eux se mobilisent pour un projet d’envergure : réaliser le premier reportage mondial texte et photo en neuf destinations à la rencontre directe des premiers « réfugiés climatiques ». Ils sensibilisent les lecteurs par des publications de très bon niveau dans des revues comme GEO, le Nouvel Observateur, New Scientist, le Monde 2, la Vie, Les Editions Autrement, le Courrier International, etc. et ils ont réuni leurs reportages dans un livre préfacé par Hubert Reeves et Jean Jouzel, « Réfugiés climatiques ».

Mise en page

Couverture du livre du Collectif Argos

Le dessous des cartes

Actuellement, en dehors des Maldives, dans l’océan Indien, qui ont déjà, en partie, anticipé le problème et celui des Tuvalu, dans le Pacifique, dont la population a déjà commencé à migrer, les autres Etats insulaires sont encore dans l’expectative de solutions.

Or, à l’horizon 2100, 200 millions de personnes sont susceptibles de migrer, dont 1 million dans des pays différents de celui de leurs origines…

5 réflexions sur “Quel statut pour les réfugiés de l’environnement ? Le cas des Etats insulaires

  1. Merci pour cette comunication sur ce reportage, qui, je l’espère, débouchera sur l’adoption par la communauté internationale, d’un statut juridique pour les réfugiés climatiques.
    Au-delà des indispensables revendications environnementales, il est également urgent que les peuples du monde entier revendiquent ce statut, et, plus généralement, la justice climatique.

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  2. excellent votre article!
    Bravo,
    je suis étudiant en première année de géo, et votre article m’a bcp servi!

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