Frontière Tchad/Soudan : une zone de conflit récurrente dans l’impasse


Alors que le 3 mai 2009, un accord sur la normalisation des relations entre le Tchad et le Soudan était signé à Doha (Quatar), des combats meurtriers ont opposé lundi 4 mai, à la frontière entre les deux pays, l’armée tchadienne aux rebelles.

La frontière entre le Tchad et le Soudan, qui s’étend sur plus de 1 300 km est une zone où transitent à la fois des commerçants, des nomades ainsi que des rebelles, constituant un espace particulièrement sensible en terme de conflits qu’aucun accord n’est encore parvenu à stopper. Par ailleurs, des camps de réfugiés, gérés par l’UNHCR  (Agence des Nations Unies pour les réfugiés), sont situés à l’Est du Tchad, le long de la frontière.

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Source : UNHCR

Quelles sont les origines de ces conflits ?

Une video pour comprendre un certain nombre de points :

Si actuellement, l’Etat tchadien connaît une crise à la fois politique et sécuritaire interne (International Crisis Group,Rapport Afrique N°144 24 septembre 2008), elle a été amplifiée par le Soudan et il est important

1) d’engager un processus de paix interne

En effet, le pays dirigé par Idriss Déby et le clan des militaires zaghawa* a engendré

– des violences politiques et sociales,

– une détérioration des relations intercommunautaires,

– un favoritisme clanique dans la distribution des ressources de l’Etat.

Le retour au multipartisme en 1990, l’augmentation des revenus de l’Etat grâce au pétrole depuis 2004 (Projet Pétrole Doba), les processus électoraux soutenus par les alliés occidentaux du Tchad (notamment la France, depuis 1986 et qui continue à soutenir le Tchad – Le Monde, 09/05/09) n’ont pas permis d’instaurer une démocratie et d’améliorer le système de gouvernance du pays.

Organisation de la coalition rebelle en janvier 2009

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Source : Le Monde, 09/05/09

2) de se préoccuper de la régionalisation de ce conflit :

Les attaques répétées du Soudan sur les camps de réfugiés et positions rebelles du Darfour à l’intérieur du Tchad (vulnérabilité des 250.000 réfugiés du Darfour, vivant depuis 2004 dans une douzaine de camps le long de la
frontière) a également provoqué un effort international considérable de secours humanitaire et de stabilisation sécuritaire. La crise s’est énormément aggravée et les pays occidentaux ont renforcé leur soutien au Tchad devant le risque  d’une expansion régionale du Soudan [Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) et mission de stabilisation européenne (EUFOR)] afin d’assurer la sécurité des civils dans les camps.

3) de stopper la corruption généralisée liée à la mainmise de l’Etat sur toutes les sociétés nationales et notamment sur la canalisation et l’utilisation les ressources pétrolières affectées à des secteurs considérés comme prioritaire comme celui des infrastructures. Ce système, favorisant principalement les proches du président et son ethnie (les Zaghawa), classe le Tchad parmi les pays les plus corrompus de la planète. Les revenus du pétrole, devaient être consacrés, pour 80%, à des programmes de réduction de la pauvreté, ce qui n’est pas le cas puisque actuellement, moins de 1 000 Tchadiens travaillent dans le secteur pétrolier, pratiquement tous dans des postes subalternes et les régions d’exploitation n’ont bénéficié d’aucun des avantages promis.

Par contre, les forces armées tchadiennes disposent, grâce à l’argent du pétrole, d’un arsenal de combat impressionnant et les groupes armés et les rebelles se multiplient. Les forces de la rébellion sont particulièrement divisées selon des tendances tribales, peu cohérentes ce qui explique l’échec apparent de l’offensive des rebelles – Le Monde- 09/05/09, sans compter que les différents groupes rebelles n’ont pas tous les moyens
d’entretenir de façon permanente une armée nombreuse et recrutent en fonction des opérations militaires.

Source : Rapport Afrique de Crisis Group N°144, 24 septembre 2008

Les lourdes conséquences humanitaires

L’agence des Nations Unies pour les réfugiés doit faire face à une lourde tâche et à des difficultés de logistiques, sans compter les problèmes de sécurité afin de mener à bien sa mission auprès des centaines de milliers de réfugiés suite aux conflits sévissant dans la région soudanaise du Darfour, à l’Ouest du Soudan et également à l’Est du Tchad.

Antonio Guterres, Haut Commissaire du HCR, a rappelé à plusieurs reprises l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui pourrait toucher la région tout entière si la sécurité n’était pas assurée. Rappelons que de février 2003 à mi-2007, les combats ont fait environ 200 000 morts et pratiquement 2,5 millions de déplacés au Soudan.

L’instabilité au Darfour engendre une grande complexité régionale et notamment implique des conséquences de l’autre côté de la frontière, à l’intérieur du Tchad, dans l’Est du pays. Cette instabilité sécuritaire à l’Est du Tchad a obligé les populations à se déplacer, fin 2006 et en 2007 : déplacement interne de 180 000 Tchadiens et 25 000 habitants de ce pays qui sont venus se réfugier au Darfour ainsi qu’environ 30 000 membres de tribus tchadiennes, nomades et semi-nomades. L’UNHCR a du installer de nouveaux camps de réfugiés. Les défis majeurs de l’UNHCR et des organisations humanitaires consistent donc à assurer la protection et la sécurité des civils, les agressions contre les femmes et les enfants, le déplacement forcé des populations qui continue… en plus des catastrophes climatiques, comme les inondations dans le Sud-Est du Tchad (Source : Urgence Tchad-Darfour, UNHCR).

En ce qui concerne l’Est du Tchad actuellement, la relocalisation, qui se traduit « par une réduction des activités humanitaires », a été décidée mercredi soir 7 mai 2009 « parce que le contexte général est trop volatil et trop instable », en référence à la présence de colonnes de rebelles dans l’est du Tchad, où sont aussi déployées des forces gouvernementales, laissant présager des affrontements » (Le Monde-07/05/09).

Bilan provisoire des combats jeudi et vendredi :au total 247 morts,225 côté rebelles et 22 côté armée nationale tchadienne (ANT) selon un communiqué vendredi 8 mai par le porte-parole du gouvernement tchadien (Le Monde-08/05/09)

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Des rebelles tchadiens de l’Union des forces de la résistance (UFR), armés par le Soudan, le 21 avril dans le Darfour. Crédits photo : AFP

Situation le 10 mai 2009 : Selon l’armée française qui « compte 1 100 soldats stationnés au Tchad dans le cadre du dispositif Epervier (…) les rebelles rebroussent chemin« . Mais ces derniers « affirment qu’ils se regroupent pour poursuivre leur offensive qui n’est pas « finie », a assuré dimanche un membre de l’Union des forces de la résistance (UFR, coalition des principales factions de la rébellion), au lendemain d’une journée sans combats ».

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Des rebelles faits prisonniers gardés par l’armée tchadiene le 8 mai 2009 à Am Dam à 130 km d’Abéché. Photo AFP

Pour compléter cet article, je vous conseille d’aller voir une liste de lecture sur le Tchad proposée par le blog « Géographie de la ville en guerre » ainsi que le blog « Le Tchad« .

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*zaghawa :peuple d’Afrique vivant au Tchad, mais aussi au Darfour (Soudan). Ils composent environ 2% de la population du Tchad mais tiennent les rênes du pouvoir depuis l’arrivée au pouvoir du président actuel (2007) Idriss Déby en décembre 1990.

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